Cas n°1: J'ai rencontré Jean-Hubert à l'anniversaire d'une amie. Jean-Hubert est intéressant, appartient à la frange CSP-pas-encore-plus-because-pas-tout-à-fait-installé-dans-la-vie-active-mais-futur-très-bon-parti.
Jean-Hubert m'explique qu'il ne conçoit pas d'imposer à une fille une relation exclusive, et qu'il ne conçoit donc pas l'inverse non plus. Jean-Hubert pratique le polyamour et nous a assuré - à moi et à mes amies hurlantes - qu'il n'avait jamais eu le moindre problème en exposant sa théorie à ses nanas pile au moment où les choses devenaient sérieuses et où elles commençaient à s'attacher.
Cas n°2: Il est beau comme un dieu, il est adorable, il est brillant, il est drôle, et il est beaucoup trop sensible, attentionné et au fait des multiples mécanismes du cerveau féminin pour ne pas être une arme de destruction massive. Et le pire, c'est qu'il ne le sait même pas. Lui, c'est Jean-Marcel, l'un de mes meilleurs amis, dont l'identité ne sera pas divulguée ici pour sa propre sécurité.
Jean-Marcel sort d'une trèèèès longue relation qui l'a laissé exsangue. Jean-Marcel est un rêveur et n'attend que la fille qui lui donnera à nouveau foi en ses idéaux dignes d'un Walt Disney. Et ce sont justement ces idéaux qui font que Jean-Marcel a très peur de souffrir à nouveau. Jean-Marcel est donc devenu réticent à tout engagement. Mais le "non-engagement", chez Jean-Marcel, ça consiste à appeler sa plus-ou-moins-girlfriend toutes les cinq minutes et à passer des dimanche en mode love to love avec elle.
Jean-Marcel pense sérieusement et en toute innocence que sa p-o-m-girlfriend est complètement consciente de la situation, qu'elle la vit très bien et qu'elle n'est pas en train de tomber amoureuse de lui. Jean-Marcel est bien brave. (Jean-Marcel me fatigue, surtout, et mériterait bien de devenir un personnage récurrent de ce blog, voire d'avoir une catégorie pour lui tout seul, ne m'en veux pas Jean-Marcel, je t'aime tu sais?)
"What's your point?", me demandez-vous d'un air accusateur (vous n'êtes pas très très sympa).
The point, public assoiffé, c'est que Jean-Hubert, Jean-Marcel et leurs congénères ne sont visiblement pas au courant de l'existence de ce que j'appelle (en featuring avec Drew B, une actrice vaguement connue) la théorie de l'exception. Théorie dont l'existence, bien que ne touchant pas l'intégralité du sexe féminin (juste 90%), est aussi indéniable que le statut criminel du chirurgien des frères Bogdanov.
La théorie de l'exception, c'est cette tendance du cerveau féminin - et le mien le premier, en témoigne mon affligeante et interminable histoire avec Big - à croire que derrière tout mec qui refuse de s'engager se cache un petit chevreau blessé, qui n'attend que vous pour s'éveiller à la vie et faire venir un orchestre sous vos fenêtres, sans raison, juste parce que c'est "cro mignon". Bien sûr, avant toute chose, il aura plaqué toutes ses meufs (vous lui faites un effet boeuf).
A ce stade, il convient de faire un constat simple: si mes co-chromosomes XX sont - bien heureusement - capables de décider de faire d'un Jean-Bernard quelconque un Plan Cul plus ou moins Fixe sans s'y attacher plus que ça, elles ont, ont été ou seront un jour victimes, au moins une fois dans leur vie, de la théorie de l'exception, qui les transformera en mythomanes chroniques doublées de fines stratèges.
Pour Jean-Hubert, ça donne ça.
Jean-Hubert dit: Tu sais, j'ai pas envie de m'enchaîner à une seule fille, je suis pour le polyamour... Ca te dérange?
Marie-Berthe répond: MAIS TROP PAAAAAAAAAAAAS, est-ce que j'ai l'air d'adhérer à cette conception surannée et judéo-chrétienne du couple? D'ailleurs moi aussi je suis pour l'amour libre.
Mais Marie-Berthe pense: Ouais ben c'est ça ouais, la compétition fait de ta conquête une croisade, mon Jean-Hubert, parce qu'EN PLUS de t'avoir je pourrai parader devant le monde entier en expliquant que grâce à moi tu as changé, que je t'ai apporté à moi seule plus que toutes tes meufs, que j'espionnerai d'ailleurs sur Facebook pour me convaincre qu'elles sont moins jolies que moi et que celles qui sont plus jolies que moi sont connes et se contentent de l'excitante posture dite de l'étoile de mer.
Dans le cas de notre ami Jean-Marcel, ça donne ça.
Jean-Marcel dit: Tu sais, je sors d'une très longue relation, j'ai beaucoup souffert, mon ex m'a largué du jour au lendemain, après 75 ans de bons et loyaux services...
Marie-Berthe répond: Je comprends Jean-Marcel, je ne veux pas te brusquer, d'ailleurs moi aussi j'ai trop souffert et je suis hyper cool par rapport à tout ça et on sera juste amants.
(LOLILOL, amis lecteurs, LOLILOL. Jean-Marcel ne se rend pas compte - et ce n'est pas faute de le lui répéter en l'insultant et en lui jetant des stylos - qu'il est le terreau, oui, LE TERREAU dans lequel se développe une théorie de l'exception parfaite. Qu'il en est la QUINTESSENCE.)
Car cette friponne de Marie-Berthe pense: DING DING DING! Appelez le wedding planner! 75 ans avec la même nana? Mais Jean-Marcel est donc, SUR LE PRINCIPE, capable de s'engager! Jean-Marcel est un petit lapin abandonné sur le bord de la route par une sorcière sans foi ni loi! Mais je vais te la faire oublier, moi, ta rupture douloureuse, je ne serai pas ta rebound girl, je vais te rappeler qu'aiiiimer, c'est ce qu'il y a de plus beau, JE T'AURAI, Jean-Marcel, bon parti parmi les bons partis. Parce que dans ce panorama de connards et de psychotiques qui nous entourent, avec ton authentique coeur brisé de petit lapin, tu es un peu l'équivalent d'un Everest, celui qu'on veut toutes atteindre, un concept rare, qu'on est toutes prêtes à s'arracher dans les larmes et le sang.
Et la théorie de l'exception marche à toutes les sauces. TOUTES.
Untel dit: Tu sais, j'ai pas très envie de m'engager en ce
moment, j'ai envie de profiter de la vie/j'attends d'être stable
professionnellement parlant/j'ai perdu mon lama domestique...
Marie-Berthe répond: Non mais y a aucun
souci, d'ailleurs moi non plus j'ai pas forcément envie de m'engager tu
vois, on est jamais à l'abri d'une surprise mais pour le moment ça sert à
rien de trop s'avancer.
Marie-Berthe pense: Ouais c'est ça aussi ouais. On peut
profiter de la vie ensemble au bord de la Seine en buvant du jus de
litchi, on s'en fout de la stabilité professionnelle, on vivra d'amour (et de jus de litchi), et puis je
vais t'en racheter un de lama, on l'appellera Lama, ce sera
comme un enfant de substitution, en attendant que tu m'en fasses un. Car je sais que tu m'aimes, tu fais
semblant parce que tu veux te protéger du vertige de l'amour mais je le sais, JE LE SAIS. Cela
dit, je ne veux pas te faire peur, alors je te vends mon concept de
fille cool et détachée avec une conviction qui mériterait de me
rapporter un Oscar, en accordant les prénoms de nos futurs enfants avec ton nom de famille, pour voir si ça rend bien, juste comme ça, détente.
"Pourquoi tant de torture psychique?", me demanderez-vous d'un air dépité.
Parce que dans la tête de la nana qui a:
a) un QI d'huître et trop d'épisodes de "Plus belle la vie" au compteur OU un cerveau en parfait état de fonctionnement mais un paquet de névroses plus gros qu'elle,
b) trop de copines prêtes à s'emballer avec elle (pour pouvoir débriefer sur les trois petits points à la fin du dernier texto hebdomadaire de Jean-Hubert et consorts) ou à la raisonner (pour qu'elle puisse les maudire et avoir envie de leur donner tort),
c) lu trop de livres mignons, regardé trop de films et de séries mignons, écouté trop de musique mignonne et trop traîné sur le Pont des Arts,
détourner un anti-engagement de sa trajectoire et en faire un Mark Darcy est beaucoup, beaucoup plus gratifiant et exaltant que de perdre son temps à s'intéresser à un mec tristement accessible qui lui fera autant d'effet qu'une endive bouillie.
C'est tragique, mais c'est comme ça, et c'est l'une des raisons pour lesquelles les relations hommes/femmes sont un drame.
Cordialement.
Mathilde, qui n'a pas du tout écrit l'article le plus long de ce blog et sûrement du monde entier parce que c'est l'histoire de sa vie. PAS DU TOUT.
Listening:
"Another day" de Jamie Lidell (la tuerie parmi les tueries et la chanson qui devrait illustrer le mot "bonheur musical" dans le dico)
"Black hole sun" de Soundgarden (que tout le monde connaissait sauf moi, qui l'ai honteusement découverte par le biais de Ramon-Orgasme Visuel Suprême de la Nouvelle Star, mais qui est juste magnifique)
"This guy's in love with you" d'Herb Alpert (intemporelle)